Innovation et transfert de technologie à Cuba : Mise au point, production et transfert de la technologie de vaccins contre la COVID-19

3 décembre 2024

Le succès de Cuba dans le domaine de la fabrication de vaccins et du transfert de technologie pourrait servir de modèle pour comprendre les dynamiques qui stimulent l’innovation en matière de technologie vaccinale et promouvoir la distribution équitable de vaccins.

Cuba : une puissance biotechnologique

Durant de nombreuses années, le Gouvernement cubain a alloué d’importantes parts de son budget au renforcement de sa capacité en matière d’innovations biotechnologiques et pharmaceutiques. En 2012, Cuba a créé BioCubaFarma, un groupe commercial qui comprend 40 entreprises biotechnologiques et pharmaceutiques. Cet organisme faîtier vise à augmenter les normes de qualité et à améliorer l’efficacité des structures, de l’équipement et des ressources humaines. 

Aujourd’hui, Cuba est un pôle d’innovation et de fabrication biotechnologique et pharmaceutique. Ces deux secteurs sont également les deux domaines techniques à l’origine du plus grand nombre de demandes de brevet provenant du pays, selon les données de l’OMPI pour l’année 2022.

Image : solarseven/iStock/Getty Images Plus

Rôle dans la mise au point et la production de vaccins contre la COVID-19

Le pays s’est aussi distingué comme modèle en matière de fabrication locale, de concession de licences et de transfert de technologie, en particulier durant la pandémie de COVID-19. Jusqu’au mois d’août 2024, Cuba enregistrait le taux de vaccination contre la COVID-19 le plus élevé de la région Amérique latine et Caraïbes. Il a également exporté les vaccins qu’il a mis au point dans plusieurs pays, notamment au Nicaragua, au Venezuela et au Viet Nam, et a conclu un accord de transfert de technologie avec une structure en Iran.

Deux structures cubaines, le Centre pour le génie génétique et les biotechnologies (CGEB) et l’institut Finlay Vaccine Institute (FVI), ont respectivement mis au point les vaccins Abdala, et Soberana (comprenant Soberana 01, Soberana 02 et Soberana Plus). D’après le British Medical Journal (BMJ), une revue médicale évaluée par des pairs, ces vaccins ont montré un taux d’efficacité supérieur à 90%. Le CGEB a également mis au point un second vaccin appelé Mambisa, le premier vaccin contre la COVID-19 à administration par voie nasale, dont la phase de développement clinique en tant que dose de rappel est terminée.

Transfert de technologie de l’institut Finlay Vaccine Institute à l’Institut Pasteur en Iran

En 2021, le FVI a signé un accord de transfert de technologie avec l’Institut Pasteur d’Iran (IPI) pour la production complète des vaccins Soberana 02 et Soberana Plus. Ce partenariat a commencé par l’envoi d’une équipe de quatre experts cubains de la biotechnologie à l’IPI pour une période de six semaines entre mai et juin 2021.

Durant cette période, ils ont réalisé une analyse des lacunes pour évaluer les besoins de la structure, notamment en matière de conception, d’équipement et de livraison des principes actifs pharmaceutiques. À la suite de cette analyse, des essais cliniques ont été menés en Iran et ont conduit à la délivrance de l’autorisation d’utilisation d’urgence ainsi qu’à la poursuite de l’assistance technique avec le déploiement d’experts supplémentaires. Les essais ont démontré l’efficacité du vaccin en Iran et ont permis d’enrichir les données reposant sur une évaluation critique par des pairs de la communauté scientifique mondiale.

Les mesures prises dans le cadre de ce transfert de technologie ont permis la mise à l’essai rapide du produit final, PastoCovac, en Iran, en l’espace d’une année. Cette collaboration a facilité la production immédiate du vaccin et a jeté les bases de futures mises au point de vaccins en Iran.

À la suite du succès du transfert de technologie lié au vaccin Soberana, ce partenariat s’est également élargi au transfert de technologie pour un vaccin pneumococcique. Ces collaborations ont été déterminantes pour le développement du secteur biotechnologique et pharmaceutique en Iran, ainsi que pour la formation de personnel dans les domaines de la production, du contrôle de la qualité, de l’assurance de la qualité et de la recherche-développement.

Enseignements tirés

Les représentants des deux structures ont souligné que le succès du transfert de technologie reposait sur une relation de confiance, assortie d’une communication et d’un travail de collaboration efficaces. L’efficacité a encore été améliorée par le fait que le transfert de technologie a été mené parallèlement au développement commercial des vaccins Soberana à Cuba.

Lors d’un récent webinaire trilatéral organisé par l’OMS, l’OMPI et l’OMC, les représentants du FVI et de l’IPI ont cité les conditions suivantes comme facteurs essentiels d’un transfert de technologie réussi :

  • Une excellence opérationnelle : le FVI a affecté des experts à la structure de l’IPI pour superviser et assurer la réalisation de toutes les étapes du transfert de technologie. Les deux structures ont suivi un protocole de mises à jour régulières, qui a permis d’assurer une communication claire et une bonne collaboration. Cette approche a aidé les équipes à traiter efficacement les difficultés techniques et opérationnelles dès leur apparition.
  • Une prise de décision souple et réactive : ce transfert est allé de pair avec des activités de commercialisation à Cuba, dans le cadre d’une procédure accélérée. Le FVI a fourni du personnel pour soutenir l’IPI, qui a aidé à entreprendre une analyse complète des besoins en ce qui concerne la structure de l’IPI, les améliorations en matière d’infrastructure, la formation et les initiatives de renforcement des capacités. Ceci a été possible grâce à une relation de confiance, à une communication efficace et à un travail de coopération entre les structures.
  • Le bon partenaire et des investissements avisés : les investissements dans la mise au point de médicaments et les transferts de technologie les concernant sont considérés à haut risque en raison de la nature complexe, coûteuse et incertaine du processus, qui implique des tests rigoureux, des approbations réglementaires et de difficultés potentielles liées au marché. Lors de pandémies, ce risque est renforcé, car les procédures sont accélérées. Choisir un partenaire en phase avec ses besoins est essentiel à la réussite du processus. La collaboration de longue date entre le FVI et l’IPI a permis d’instaurer un climat de confiance dans le cadre de ce projet, permettant aux deux structures de surmonter efficacement les obstacles techniques et opérationnels.

Une pandémie nécessite de s’éloigner considérablement des procédures courantes, ce qui exige une gestion de crise efficace et des procédures accélérées en matière de fabrication de vaccins. S’il est peu probable que les facteurs particuliers qui ont accéléré la mise au point de médicaments contre la COVID-19 et les transferts de technologie en la matière s’appliquent à d’autres problèmes de santé publique, ils restent des enseignements précieux. Le transfert de technologie entre le FVI et l’IPI souligne en particulier la valeur d’un engagement mondial durable en matière de fabrication de produits biotechnologiques et pharmaceutiques, car il encourage la connaissance mutuelle des capacités de chacun et établit une base solide pour apporter des réponses coordonnées aux crises sanitaires mondiales.

Les entreprises ont adopté des approches avant-gardistes et créatives afin de raccourcir les délais de mise au point et de distribution et d’ajuster leurs stratégies d’investissement à risque. Celles qui sont prêtes à s’adapter dans ces domaines peuvent être à l’origine de changements durables, accélérant, à terme, la distribution de médicaments, l’établissement de diagnostics et la fourniture de vaccins qui sauvent ou changent la vie des patients.

Plan d’intervention pour les urgences sanitaires

Le succès de Cuba en matière de mise au point de vaccins et de transfert de technologie nous offre des indications précieuses afin de relever de futurs défis en matière de santé publique. Les mesures prises par Cuba montrent qu’il est important de favoriser un climat de confiance, une communication efficace et une bonne collaboration afin de résoudre les problèmes. Ces partenariats peuvent accélérer la mise au point et la distribution de vaccins lors de pandémies. S’il est vrai que l’urgence de la crise de COVID-19 ne sera pas toujours présente, ces enseignements peuvent toutefois éclairer de futures mesures de santé publique. En facilitant les discussions et le partage des connaissances entre les États membres et les parties prenantes, l’OMPI favorise un écosystème mondial de la propriété intellectuelle équilibré et efficace, au service des innovateurs et des patients.